Notre compréhension des mécanismes de genèse crustale au cours du premier milliard d'années est limitée par la rareté des roches les plus anciennes et la préservation imparfaite des signatures magmatiques de leurs protolithes. Ces limitations entravent notre capacité à imposer des contraintes quantitatives sur les modèles de genèse crustale et donc sur les régimes géodynamiques en vigueur à cette époque. Le complexe Eoarchéen d'Innuksuac (3.6-3.8 Ga; nord Québec) représente de ce point de vue un témoin important de l'évolution géodynamique de la jeune Terre. Plusieurs études basées sur la radioactivité éteinte du 146Sm ont permis d'identifier dans les roches du complexe une signature héritée d'un composant crustal Hadéen (4.3-4.4 Ga). Cette observation établit un lien probable entre recyclage de la lithosphère Hadéenne et la mise en place de certains cratons Archéens. Afin de mieux contraindre la pétrogenèse des roches du complexe, une soixantaine d'échantillons mafiques et ultramafiques appartenant à la ceinture supracrustale d'Ukaliq ont été caractérisés d'un point de vue minéralogique, pétrologique, et isotopique (142,143Nd). Nos observations montrent que la ceinture est composée de roches ultramafiques serpentinisées, dont les protolithes incluent dunites cumulatives, pyroxénites et gabbros, et de schistes mafiques (picrites, basaltes et andésites basaltiques). La préservation partielle des pyroxènes cumulatifs permet d'établir la présence d'une suite tholéiitique dominée par le clinopyroxène et d'une suite boninitique, dominée par l'orthopyroxène. La superposition de ces deux suites, combinées à l'enregistrement isotopique du système 146Sm-142Nd, identifient le complexe d'Innuksuac comme le vestige d'une croûte d'arc produite par le recyclage d'une lithosphère Hadéenne dans un contexte similaire aux zones de subduction modernes.